12 de julio de 2006

La fourmilière éprouvante

À tous les mois elles en sortent, veulent chercher à se sustenter, me chatouillent de leures petites pattes étroites comme des poils. Elles sont rouges, d'un rouge foncé. À tous les mois elles me changent dès l'intérieur; elles se servent de leures mandibules, de leur acide pour y parvenir, je le sais bien.
     La nuit, quand tout est calme dans la fourmilière qui est mon corps, le fourmilier s'en approche avec sa langue visqueuse et attisante; me caresse avec; incite la fourmilière à frémir de volupté; la fait gigoter; en pénetre l'entrée de cette langue spaghetteuse et vibratoire, en même temps qu'un frissonement en parcourent les voies spinales, la belle salive du fourmilier bave partout en dehors et en dedans.
     Les fourmis n'en sortent plus depuis belle lurette; à leure place, un fourmilier bébé en sortira.

© Enrique Ruiz Hernández

8 de julio de 2006

L'homme fourmi

Bibi est à tout prendre une bibitte.
     Il y a des gars qui se font façonner en filles; j'aimerais me faire façonner en fourmi. On les appelles transsexuels ceux-là; transfourmi m'appelera-t-on comme je me doute qu'il se doit.
     Tout est de travers dans mon corps: mes deux autres pattes se débattent sempiternellement pour sourdre de mes flancs tant je suis un transfourmi; je flaire de mes toujours naissantes antennes, puisque le crâne de ce corps satané les empêchent de sortir tant je suis un transfourmi.
     Le foret dans la main, je me dandinais en ivrogne, ravi de voir au grand complet mes antennes bougeant à mon gré, en comtemplant dans le miroir le giclement rythmique du sang crânien.
     Si une meurt j'en suis conscient, si une repère de la nourriture je le sais: je ressens l'action des phéromones.
     Aujourd'hui au bureau on m'a flatté en me disant que je travaille comme une fourmi: sans m'en plaindre, avec simplicité et efficacité.
     Impitoyablement mon humanité extérieure s'attaque à moi par des larmes suintant des yeux qui ne sont pas à moi mais qui le veulent, puisque, comme les phéromones, elles bouleversent mon intérieur, y touchent, le fouettent. Je ne suis pas humain, je vous l'assure; maudit que je fais pitié, trace dégoûtante d'humanité; je préfèrerais d'avoir l'arme à gauche.
     Il n'y a plus de bureau pour moi; j'ai quitté avant de ne plus pouvoir parler comme il faut aux hommes: mes mandibules sourdent comme il faut aux fourmis.
     Je ne bouge plus.
     Le cocon est éclos: plus de crâne, plus de bras, plus de pieds, plus de peau, plus d'enfermement, plus de larmes.
     Bibi est à tout prendre une bibitte.

© Enrique Ruiz Hernández

6 de julio de 2006

L'enfant fourmi

Ce caillou est vraiment colossal. Y est beau. J'aime ses étincellements comme des étoiles; je me demande si c'est une pyrite celle-là. Non, je crois pas... Ouaiaiais, je vas la prendre avec mes mandibules, mes mandibules puissantes.
     — T'es fort, toé, hein.
     — Ouais, chus ben fort.
     Faut y apporter des feuilles: c'est ce qu'y faut. Celle-là est bonne. Faut faire attention au chemin: y est toute pierreux. Un soldat: sa tête c'est géant. “Ch't-une ouvrière; j'vas juste amener une feuille dans l'nid”.
Je vois rien; mes antennes, ça sert à ça, à voir ce qu'y a dans le chemin. “Salut, j'm'appelle Gaétan. 0ùsqu'y faut l'apporter... Dans 'serre?, OK, c'est où ça?... OK”. C'est énorme ici-dedans; je me demande elle est où la reine; j'aimerais la voir.
     Enfin la serre. Câlisse que les champignos sont gros et grands; y sont doux, y goûtent bon; j'en veux davantage... “Quoi, non, j'en mange pas; je laissais la feuille que j'ai sur moi, pour de vrai, 'garde”.
     Noooon, un pied a fait ecroulé l'nid; y faut courir à toute vitesse; le plafond s'en vient. A courent toutes, affolées; y faut sauver la reine; elle est où, elle est où; y faut la sauver... un caillou roulant; je m'en sauve: le karaté c'est toujours bon de l'apprendre... Mon esprit baraude. Il faut sauver la reine; j'a vois; est là; c'est si beau qu'y affole, boulverse, sidère; ses ailes: j'en veux aussi; pourquoi j'en ai pas; non, non, non, quitte-moi pas; j'veux pas mourir icitte, dans l'nid, écrasée, aplatie comme une maudite coquerelle: j'es déteste. J'veux pleurer.