8 de julio de 2006

L'homme fourmi

Bibi est à tout prendre une bibitte.
     Il y a des gars qui se font façonner en filles; j'aimerais me faire façonner en fourmi. On les appelles transsexuels ceux-là; transfourmi m'appelera-t-on comme je me doute qu'il se doit.
     Tout est de travers dans mon corps: mes deux autres pattes se débattent sempiternellement pour sourdre de mes flancs tant je suis un transfourmi; je flaire de mes toujours naissantes antennes, puisque le crâne de ce corps satané les empêchent de sortir tant je suis un transfourmi.
     Le foret dans la main, je me dandinais en ivrogne, ravi de voir au grand complet mes antennes bougeant à mon gré, en comtemplant dans le miroir le giclement rythmique du sang crânien.
     Si une meurt j'en suis conscient, si une repère de la nourriture je le sais: je ressens l'action des phéromones.
     Aujourd'hui au bureau on m'a flatté en me disant que je travaille comme une fourmi: sans m'en plaindre, avec simplicité et efficacité.
     Impitoyablement mon humanité extérieure s'attaque à moi par des larmes suintant des yeux qui ne sont pas à moi mais qui le veulent, puisque, comme les phéromones, elles bouleversent mon intérieur, y touchent, le fouettent. Je ne suis pas humain, je vous l'assure; maudit que je fais pitié, trace dégoûtante d'humanité; je préfèrerais d'avoir l'arme à gauche.
     Il n'y a plus de bureau pour moi; j'ai quitté avant de ne plus pouvoir parler comme il faut aux hommes: mes mandibules sourdent comme il faut aux fourmis.
     Je ne bouge plus.
     Le cocon est éclos: plus de crâne, plus de bras, plus de pieds, plus de peau, plus d'enfermement, plus de larmes.
     Bibi est à tout prendre une bibitte.

© Enrique Ruiz Hernández

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