7 de junio de 2011

Un conte massouto


Si vous aimez la littérature fantastique, ceci est pour vous. Je veux partager avec vous un conte massouto (un conte des bassouto, aussi nommés basotho, en pluriel, et massouto ou mosotho en singulier) que j'ai rencontré dans Anthologie nègre de Blaise Cendrars. Quand je l'ai lu, il m'a rappelé les contes de Les Mille et Une Nuits; c'est-à-dire, il me semble que c'est un conte du merveilleux, selon le classement de Tzvetan Todorov
Voici le conte:
MOSÉLANTJA

     Il y avait une fois un chef; son village était très grand, mais il n'avait que trois enfants: un fils et deux filles. L'aînée des filles se marie; il ne reste à la maison que la cadette Fényafényané et son petit frère. Une année, comme on travaillait aux champs, le petit garçon restait seul à la maison, et s'en allait jouer au bord de la rivière et criait: «Koyoko, dépêche-toi, viens me manger!» Koyoko sortait de l'eau et venait le poursuivre, et vite, vite le petit garçon de se précipiter dans la hutte. C'était là son jeu de chaque jour. Une foi, tout le monde était parti pour aller bêcher le champ du chef. Le petit garçon va à la rivière selon son habitude et se met à crier: «Koyoko, dépêche-toi, viens me manger!» Cette fois Koyoko sort de l'eau avec rapidité et s'empare du petit garçon; il le dévore tout entier et ne laisse que la tête.
     Cependant la mère du petit garçon dit à sa fille: «Va bien vite à la maison chercher de la semence.» La jeune fille, en arrivant au village, découvre la tête de son petit frère. Alors elle s'écrie en pleurant: «Hélas! Mon petit frère a été dévoré par Koyoko.» Elle monte sur une petite éminence et appelle sa mère à haute voix en chantant ainsi:

Mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),
Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis),

Solo, le fils de ma mère, a été dévoré par Koyoko;
[mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),

Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis).

     Sa mère l'entend chanter et dit à ceux qui travaillent avec elle: «Taisez-vous, que je puisse entendre.» Ils déposent leurs houes et s'arrêtent. La jeune fille se remet à chanter:

Mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),
Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis),

Solo, le fils de ma mère, a été dévoré par Koyoko;
[mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),

Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis).

     Alors la femme prend sa houe, en frappe tous ses compagnons et les étend raides morts. La jeune fille continue à chanter:

Mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),
Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis),

Solo, le fils de ma mère, a été dévoré par Koyoko;
[mère, mère, toi qui travailles au loin (bis),

Mon frère Solo a été dévoré par Koyoko; mère, mère,
[toi qui travailles au loin (bis).

     Alors sa mère recommence à frapper avec sa houe les corps de ses compagnons; il n'en reste pas un de vivant. Puis elle part et retourne au village; tout en marchant elle ramasse des scorpions, des mille-pattes, des perce-oreilles, des fourmis et des araignées venimeuses et les met dans son sac. Quand elle arrive chez elle, elle y trouve Koyoko si repu qu'il ne peut plus bouger. Elle place devant sa hutte le sac qu'elle a rempli de scorpions et d'insectes venimeux; puis elle entre et se met à chercher dans ses effets; elle rassemble ses plus beaux colliers de perles et ses anneaux de métal et les place à côté. Puis elle sort de la hutte, rassemble de l'herbe desséchée, en fait de grandes bottes qu'elle lie avec des cordes d'herbes et les entasse contre les murs de la hutte.
     Alors elle dit à Koyoko: «Viens ici, que je te rase la tête.» Quand Koyoko s'est approché, elle prend une lancette et se met à lui déchirer les chairs de la tête; puis elle délie son sac. Les scorpions et les insectes venimeux en sortent par paquets et entrent dans les oreilles, la bouche et les yeux de Koyoko, qu'ils mordent et piquent jusqu'à ce qu'il en meurt.
     Alors elle appelle sa fille et lui dit: «Viens ici.» Elle prend ses colliers de perles et ses anneaux de métal et l'en pare; puis elle lui dit: «Maintenat, mon enfant, pars et va chez ta sœur Hlakatsabalé, femme de Masilo; surtout garde-toi bien de regarder derrière toi; quoi qu'il arrive, poursuis ta route et marche toujours devant toi.» La jeuen fille part et marche longtemps, bien longtemps. Alors elle se dit: «Je voudrais bien savoir pourquoi ma mère m'a défendu de regarder derrière moi»; il faut que je voie ce que c'est. Peut-être qu'elle veut mettre le feu à la hutte et y périr.» Elle se retourne et voit une grande fummée qui monte au ciel; alors elle s'écrie: «Hélas! ma mère a mis le feu à sa hutte et se brûle toute vive.» Elle entend tout près d'elle une voix répéter: «Hélas! ma mère a mis le feu à sa hutte et se brûle toute vive.» Elle regarde et voit un animal étrange; elle se demande tout étonnée: D'où cet animal peut-il bien sortir?» La voix reprend: «Prête-moi un peu tes colliers de perles et tes habits, que je voie comme il me vont.» Alors la jeune fille se dépouille de ses vêtements et les donne à Mosélantja. Mosélantja les revêt et donne à la jeune fille les haillons dont elle est recouverte.
     Quand elle sont près du village, la jeune fille dit: «Maintenant, rends-moi mes habits. — Pas encore! je te les rendrai au pâturage des bestiaux.» Quand elle arrivent là où le bétail paît, la jeune fille reprend: «Donne-moi maintenant mes habits. — Ouais! veux-tu donc qu'on dise que les femmes de Masilo se disputent pour rien au milieu de la route!» Elles arrivent ainsi chez Hlakatsabalé, la sœur aînée de Fényafényané. Mosélantja se hâte de dire (Fényafényané, elle se tait, toute honteuse): «Ma mère m'a dit de venir chez toi; notre frère a été dévoré par Koyoko, et ma mère a mis le feu à sa hutte et s'y est brûlée.» Hlakatsabalé se dit: «Qui est-ce qui a pu changer ainsi ma sœur? Je ne la reconnais plus et cependant ses vêtements et ses ornements sont bien ceux de chez nous.» Elle finit cependant par se persuader que c'est bien là sa sœur. Mosélantja reprend en désignant Fényafényané: «Quant à cet être-là, c'est Mosélantja; je l'ai reconcontrée sur la route et elle voulait absolument que je me dépouille de mes beaux habits pour les lui donner.»
     C'est ainsi que Mosélantja se fit passer pour Fényafényané.
     Le soir, Hlakatsabalé dit à Fényafényané d'aller coucher dans la hutte d'une vieille femme et garde Mosélantja auprès d'elle. Mais, pendant la nuit, la queue de Mosélantja s'allonge et va chercher, dans tous les coins de la hutte, les vivres qui y sont rassemblés. Masilo s'écrie: «Qu'est-ce?» Vite Mosélantja de s'écrier: «Masilo, aide-moi, j'ai de fortes coliques, je souffre cruellement.» Le lendemain, dès qu'il fait jour, Masilo s'écrie: «Oh! oh! qui a pris toute notre nourriture? Qui a pu faire cela?» Mosélantja répond: «C'est sans doute l'autre: c'est une voleuse, elle vole partout.» Quand on se met à manger, on donne à Fényafényané sa nourriture dans une écuelle ébréchée si sale qu'elle ne peut y toucher; quant à Mosélantja, elle mange dans un beau vase tout neuf.
     Le printemps s'écoule; on sarcle les champs; puis arrive le moment de chasser les oiseaux. Hlakatsabalé ordonne alors à sa sœur, qu'elle croit toujours être Mosélantja, d'aller à son champ pour chasser les oiseaux. Ce champ était contigu au champ de la vieille femme qui avait recueilli Fényafényané. Au milieu du jour, Hlakatsabalé envoie Mosélantja porter de la nourriture à Fényafényané, mais Mosélantja mange tout en route. Quand elle arrive au champ où se tient Fényafényané, elle lui dit: «Qu'as-tu donc à dormir ainsi, paresseuse que tu es; ne vois-tu pas que les oiseaux mangent le sorgho de mon mari, le sorgho de Masilo?» Quand Mosélantja est partie, Fényafényané remonte sur son tas de mottes, qui est tout près de celui sur lequel se tient la vieille femme qui l'a recueillie. Elle se dresse de toute sa hauteur et se met à chanter:

Va-t'en, colombe! va-t'en, colombe!
Aujourd'hui, on m'appelle Mosélantja; va-t'en,

[colombe; va-t'en, colombe!

Auparavant, j'étais Fényafényané, la sœur de Hlakat-
[sabalé, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Aujourd'hui, on me donne à manger dans des écuelles
[sales, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Roseau, envole-toi, que je m'en aille vers mon père
[et ma mère!

     Alors le roseau la prend et la soulève pour l'emporter dans les airs. Mais la vieille femme accourt et se saisit d'elle. Fényafényané lui di: «Laisse-moi seulement m'en aller vers mon père et ma mère. Ne vois-tu pas qu'aujourd'hui j'en suis réduite à manger ma nourriture dans des écuelles sales et ébréchées? C'est comme si Hlakatsabalé n'était pas ma sœur.» C'est alors qu'elle découvre à la vieille femme qui elle est; elle lui dit: «Chez nous, un jour, tout le monde était aux champs; mon petit frère alla à la rivière taquiner Koyoko, qui en sortit et le dévora. Alors ma mère me dit de venir ici et me recommanda fortement de ne pas regarder derrière moi. Mais je me suis retournée pour voir ce qui arrivait et à peine m'étais-je écriée: «Hélas! ma mère a mis le feu à sa hutte et s'y brûle toute vive», que j'entendis tout près de moi, à mes pieds, Mosélantja s'écrier: «Hélas! ma mère a mis le feu à sa hutte et s'y brûle toute vive.» Puis Mosélantja m'a demandé de lui prêter mes vêtements, et j'y ai consenti, parce qu'elle me disait qu'elle allait me les rendre. C'est ainsi que nous sommes arrivées ici; elle s'est fait passer pour moi et c'est elle qui a raconté que ma mère s'était brûlée dans sa hutte.»
     La vieille lui demande: «Comment donc est-ce que ta sœur ne voit pas à ta figure que tu es sa sœur?» Fényafényané répond: « Je ne se sais pas.» La vieille ne lui répond pas; elle va chercher sa nourriture et la partage avec Fényafényané. Ce jour-là la vieille ne dit rien ni à Masilo ni à Hlakatsabalé; elle ne parle à personne de ce qu'elle a vu et entendu.
     Le soir, comme d'habitude, on donne à Fényafényané sa nourriture dans une vieille écuelle sale et ébréchée; mais elle n'y touche pas. Chez Masilo on avait tué un bœuf et on en avait cuit les viandes. Pendant la nuit, la queue de Mosélantja s'allonge et se met à manger toutes les viandes. Masilo l'entend et dit: «Qui est-ce qui fait ainsi ce bruit dans les pots de viande?» Il se lève pour aller voir, mais vite Mosélantja de s'écrier: «Masilo, aide-moi, j'ai de fortes coliques; aide-moi, Masilo, je n'en puis plus.»
     Le lendemain, Fényafényané retourne au champ de sa sœur; cette fois-ci, c'est sa sœur Hlakatsabalé, qui lui apporte sa nourriture; elle la lui donne, comme toujours, dans une vieille écuelle sale et ébréchée. Fényafényané la met de côté sans y toucher; la vieille femme ne disait toujours rien. Quand Hlakatsabalé s'est éloignée, Fényafényané monte sur son tas de mottes et, s'y dressant de toute sa hauteur, se met à chanter:

Va-t'en, colombe! va-t'en, colombe!
Aujourd'hui, on m'appelle Mosélantja; va-t'en,

[colombe; va-t'en, colombe!

Auparavant, j'étais Fényafényané, la sœur de Hlakat-
[sabalé, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Aujourd'hui, on me donne à manger dans des écuelles
[sales, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Roseau, envole-toi, que je m'en aille vers mon père
[et ma mère!

     Alors le roseau s'agite, la prend et la soulèe pour l'emporter dans les airs. Mais la vieille femme accourt et se saisit d'elle. Fényafényané lui dit: «Laisse-moi seulement m'en aller vers mon père et ma mère.»
     Le soir de ce jour-là, la vieille femme se rend chez Masilo et lui dit: «Demain, va aux champs, et tu y verras ce que j'ai vu hier.» Masilo lui demande: «Qu'est-ce que c'est?» La vieille répond: «Tu verras toi-même ce que c'est?» Le lendemain, Masilo va aux champs en secret et se cache là où la vieille lui avait dit de le faire. Hlakatsabalé envoie de nouveau Mosélantja porter de la nourriture à Fényafényané; mais Mosélantja s'assoit au bord de la route et mange tout ce qu'on lui a donné. Quand elle arrive vers Fényafényané, elle lui dit: «Paresseuse que tu es, qu'as-tu donc à dormir? Ne vois-tu pas que les oiseaux mangent tout le sorgho de mon mari?» Puis elle retourne au village.
     Alors la vieille femme dit à Fényafényané: «Ne vois-tu pas les colombes là-bas dans ton champ! Va les chasser.» Fényafényané y va, monte sur son tas de mottes et, s'y dressant de toute sa hauteur, se met à chanter:

Va-t'en, colombe! va-t'en, colombe!
Aujourd'hui, on m'appelle Mosélantja; va-t'en,

[colombe; va-t'en, colombe!

Auparavant, j'étais Fényafényané, la sœur de Hlakat-
[sabalé, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Aujourd'hui, on me donne à manger dans des écuelles
[sales, va-t'en, colombe; va-t'en, colombe!

Roseau, envole-toi, que je m'en aille vers mon père
[et ma mère!

     Le roseau s'agite avec bruit et la soulève pour l'emporter dans les airs. Masilo accourt et se saisit d'elle. Fényafényané lui dit: «Laisse-moi seulement m'en aller vers mon père et ma mère. Ta femme m'a traitée fort mal, bien qu'elle soit ma sœur, et que je me fusse réfugiée chez elle.» Alors la vieille femme dit à Masilo: «Tu vois bien, Masilo; voilà ce que je te disais de venir voir ici.» Masilo rest longtemps avec Fényafényané; ils restent longtemps à pleurer ensemble. Puis il remonte au village et raconte tout à sa femme. Celle-ci s'écrie: «Hélas! ma pauvre sœur! hélas! fille de mon père!»
     Le lendemain, Masilo fait dire à tous ses gens d'aller rassembler beaucoup de bois, pendant que d'autres creuseraient un trou profond. On abat du bétail, des moutons et des chèvres, on cuit du pain, de la bouillie de sorgho au lait, on fait frire des croûtes de pains dans la graisse; on prépare une grande fête. On apporte aussi une grande quantité de pots de lait caillé; on les dépose au fond du trou qui est creusé, puis on les recouvre de tiges de maïs et de branchages légers. Pendant ce temps, les jeunes femmes du village rassemblent du bois dans la forêt. Mosélantja, elle, ne fait rien; elle se tient accroupie près du ruisseau, où sa queue fait las chasse aux crabes qu'elle dévore avidement. Quand les jeunes femmes ont fini, elles disent: «Retournons au village.» Une d'elles demande: «Où est la femme du chef? Où est la femme de Masilo?» Elles portaient chacune une botte de branches sèches; celle de Fényafényané était plus grande que celles de ses compagnes. Quand Mosélantja les voit venir, elle se hâte de rassembler quelques pousses vertes et en fait une botte; puis elle dit à Fényafényané: «Mosélantja, tu as pris ma botte de branchages; rends-la-moi.» Mais les autres femmes s'écrient: «Que dis-tu là? C'est la sienne, c'est elle qui l'a rassemblée; quant à toi, où donc te cachais-tu pendant que nous travaillions? Allons au village.»
     Lorsqu'elles approchent du village, les gens se disent les uns aux autres: «Voyez-vous la femme du chef qui n'apporte que des branches vertes? Que veut-elle faire?»
     Alors Masilo dit à toutes les femmes: «Sautez toutes par-dessus ce trou:.» Il leur montre le trou profond au fond duquel on a caché le lait caillé. Elles sautent toutes les unes après les autres, et Fényafényané saute comme elles. Quand c'est le tour de la femme du chef et qu'elle veut sauter, sa queue s'allonge du côté du lait caillé et se met à manger; alors Mosélantja tombe au fond du trou. Les gens du chef arrivent en courant: ils la cernent de tous côtés et la tuent sur place.
     Mais elle ne meurt pas tout entière; à l'endroit où elle a été tuée, il croît une citrouille sauvage. Quant à Fényafényané elle devient la femme de Masilo; au bout d'un certain temps elle met au monde un enfant. Un jour, comme tout le monde est aux champs et que Fényafényané reste seule au logis, cette citrouille sauvage se détache de sa tige et vient en roulant vers la hutte de Fényafényané. Tout en roulant, elle disait: «Pi-ti-ki, pi-ti-ki, nous man-ge-rons la bouil-lie, de la gras-se ac-cou-chée, la fem-me de Ma-si-lo!» Quand elle est arrivée vers Fényafényané, la citrouille lui dit: «Dépose à mon côté l'enfant de mon mari.» Fényafényané pose l'enfant à terre; alors la citrouille s'élance avec furie sur Fényafényané et la bat, la bat longtemps. Quand elle a fini de la battre, la citrouille retourne à l'endroit d'où elle est venue et se replace sur sa tige.
     Fényafényané ne dit rien à personne de ce qui lui est arrivé. Le lendemain, comme tout le monde est aux champs, la citrouille se met de nouveau à rouler du côté de la hutte de Fényafényané; tout en roulant, elle disait: «Pi-ti-ki, pi-ti-ki, nous man-ge-rons la bouil-lie, de la gras-se ac-cou-chée, la fem-me de Ma-si-lo!» Elle dit à Fényafényané: «Dépose à mon côté l'enfant de mon mari.» Puis elle se jette sur Fényafényané et la bat, la bat longtemps; quand elle a fini de la battre elle s'en va comme la veille. La citrouille persécute ainsi Fényafényané tous les jours, sans lui laisser de repos.
    Enfin, un jour, Masilo demande à sa femme: « Qu'as-tu donc qui te fasse tant maigrir?» Fényafényané lui répond: «Il y a là-bas une citrouille sauvage, qui, lorsque vous êtes aux champs, vient vers moi en me disant: «Pi-ti-ki, pi-ti-ki, nous man-ge-rons la bouil-lie, de la gras-se ac-cou-chée, la fem-me de Ma-si-lo!» Puis elle me dit: «Dépose à mon côté l'enfant de mon mari.» Alors elle se jette sur moi et me bat avec furie.»
    Le lendemain, Masilo ne va pas aux champs; mais quand tout le monde est parti, il dit à sa femme de le cacher dans les nattes de son enfant. La citrouille vient comme d'habitude, en disant: «Pi-ti-ki, pi-ti-ki, nous man-ge-rons la bouil-lie, de la gras-se ac-cou-chée, la fem-me de Ma-si-lo!» Puis, quand Fényafényané a déposé son enfant à terre, la citrouille se précipite sur elle et se met à la frapper avec rage. Alors Masilo s'élance de sa cachette, armé d'une hache et d'une assagaie. Il transperce cette citrouille d'un coup d'assagaie, un flot de sang en sort. Puis il la prend, la porte devant la hutte et la coupe en menus morceaux, qu'il brûle ensuite aussi soigneusement que possible.
    Une plante de chardon croît à l'endroit où la citrouille a été brûlée. Le chardon grandit, sans que personne n'y prenne garde, et finit par monter en graine. Ces graines font mal à l'enfant; chaque fois qu'il court dehors elles lui piquent les pieds. On a beau leur faire la chasse, il en reste toujours une qu'on ne peut attraper. Enfin, Masilo se met en embuscade et réussit à la prendre, il la pile et la jette au feu; mais elle devient graine de citrouille. Quand l'enfant dort, elle se jette sur lui et le mord, puis retourne se cacher dans les roseaux de la hutte. Enfin Masilo réussit à s'emparer de cette graine de citrouille; il l'écrase soigneusement sur une pierre de meule, la réudit en poudre menue et la jette au feu. C'est ainsi que finit Mosélantja.

No hay comentarios.: